Patrimoine
Une experte aux petits soins pour restaurer le Palais des papes
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Même s’il profite des soins des meilleurs spécialistes en termes de taille de pierre et de maçonnerie, le chantier du Palais des Papes reste aussi complexe qu’unique en son genre. C’est donc un protocole encore plus poussé que l’entreprise Sele a réalisé pour travailler à la restauration des pierres des façades de l’Aile des Familiers, de la Tour de la Campane et de la chapelle pontificale Benoît XII.
« Les tâches sont multiples, explique Carole Sanchez, chargée d'affaires et restauratrice de Monuments historiques chez Sele, nous assurons nettoyage, traitement, consolidation, dessalement, substitution et renforcement des pierrescomme des murs ».
L’une des premières étapes de ce chantier colossal a donc été d’établir un diagnostic précis de l’état des façades. Chaque pierre a ainsi fait l’objet d’une attention minutieuse, et chaque zone endommagée, chaque fissure ou autre signe de détérioration a été relevé afin de pouvoir établir un plan adapté.
Si certains travaux peuvent être soulagés par l’emploi d’outils mécanisés, comme ici pour la dépose de la bûche de pierre, les techniques utilisées sur le chantier restent traditionnelles.
Les pierres qui nécessitent d’être remplacées sont retirées puis mesurées. C’est ensuite l’atelier de l’entreprise Sele, basé à Nîmes, qui gère la taille des nouvelles pierres appelées à prendre leur place définitive dans les façades.
« La pierre d’origine, de Barbentane, n’est plus extraite, explique Carole Sanchez. On est donc allé chercher une pierre qui non seulement lui ressemble esthétiquement, mais qui a aussi des qualités similaires en termes de pétrochimie. On a ainsi opté pour la Maremma, une pierre italienne que l’on trouve à proximité de Rome. Quant à la mollasse jaune, autre pierre présente à l’origine, elle a été remplacée par la pierre de Caberant ».
Des murs assaillis par de nombreux ennemis
Outre l’érosion naturelle qui au fil des siècles a fait subir d’importants dégâts aux façades, Carole Sanchez pointe du doigt ce que l’on nomme les pathologies d’argile gonflante qui sont responsables de nombreuses fissurations et éclatements de pierre.
« Les argiles qui sont très présentes dans nos sols le sont également dans les pierres du Palais, explique-t-elle, ces argiles vont gonfler ou se rétracter en fonction des écarts de température. Il a donc fallu trouver le moyen de stabiliser et de consolider l’ensemble en trouvant le bon protocole ».
Les poudres de pierre sont ainsi récupérées dans un premier temps afin d’être analysées. Des études qui permettront ensuite de réaliser un cataplasme à base d’argile cellulose, une « compresse » formulée spécifiquement, qui sera appliquée aux pierres.
Un autre problème auquel les artisans de la pierre doivent faire face est la prolifération de microbiologie. « On a dû mettre en place un nettoyage vapeur aux huiles essentielles », souligne Carole Sanchez en inspectant les murs de la chapelle Benoît XII. Une action spécifique au chantier du Palais des Papes dont les façades subissent les dégâts causés non seulement par les nombreux pigeons qui se réfugient et nidifient parfois dans les murs, mais aussi par la présence de tous les éléments organiques présents dans l’atmosphère ainsi chargée en sels pathogènes – « l’humain y est donc aussi pour quelque chose ».
D’ici fin février 2024, le Palais des Papes aura retrouvé un éclat et une solidité qui, grâce à un savoir-faire traditionnel et l’emploi de techniques minutieusement adaptées au chantier, seront capables de résister durablement aux dégradations.
Le ragréage consiste à reconstituer de la pierre cassée, lorsqu’un remplacement de la pierre n’est pas nécessaire, avec de la chaux et du sable, comme on le faisait à l’époque.