Charlette ARCELIN-PRADELLE

Vauclusienne d’origine, cette archéologue a dirigé six campagnes de fouilles sur l’oppidum gaulois du Mourre de Sève à Sorgues entre 1978 et 1983. Sa méthodologie, novatrice pour l’époque, s’avère toujours précieuse aujourd’hui.

Une ARCHÉOLOGUE en avance sur son temps

Charlette, ce fut d'abord une jeunesse vauclusienne, des études à Valréas puis Avignon. Son attachement au Vaucluse n'est sans doute pas étranger à son intérêt pour la colline du Mourre de Sève à Sorgues. Charlette est chercheuse au CNRS lorsqu'elle dirige en1978 la première campagne de fouilles de cet oppidum gaulois du premier âge du Fer (VIe et Ve siècles av.J.-C.).À l'époque, peu de femmes archéologues ont ce privilège. Il y eut cinq autres campagnes menées sous sa direction jusqu'en 1983, date à laquelle elle disparaît brutalement à seulement 38 ans alors qu'elle venait d'être choisie pour prendre la direction régionale des antiquités d'Aquitaine.

Là encore, une nomination peu commune pour une femme au début des années 80. Il faut dire que Charlette détonne avec sa personnalité charismatique et singulière. Charismatique comme en témoignent ceux qui l'ont côtoyée, qui se souviennent de sa gentillesse et de son goût pour la transmission. Singulière comme l'est sa méthodologie. Si elles firent parfois débat dans le sérail scientifique, les techniques déployées sur le chantier de l'oppidum sont désormais couramment utilisées

L'archéologue systématise l'enregistrement des vestiges et du mobilier par unité stratigraphique et suivant une numérotation continue. Ainsi, chaque découverte est précisément rattachée à la couche du sol où elle a été trouvée : une technique de fouille innovante, documentée, ordonnée et méticuleuse, à mille lieux des usages habituels et qui commence juste à être mise en place sur d'autres sites à la même période. Sur le Mourre de Sève, Charlette va également s'intéresser aux carporestes. Ces graines carbonisées sont négligées à l'époque en dehors des sites préhistoriques. Mais l'archéologue les prélève et les fait analyser. En découle une découverte majeure : la présence de pépins de raisin. On y cultivait la vigne bien avant l'invasion romaine !Le mobilier céramique n'échappe pas non plus à sa sagacité. Spécialiste de la céramique grise monochrome(dont regorge le site), elle ne se contente pas d'identifier des formes et de les dater. Charlette dépasse largement cette approche en tentant d'en déduire les lieux de production, les influences stylistiques ,les habitudes de consommation. Et si l'oppidum avait abrité l'atelier d'un potier ? L'archéologue n'aura pas le temps d'étayer sa forte présomption.

Il s'agit aujourd'hui d'un des axes de travail d'un PCR(projet collectif de recherche) conduit depuis plusieurs années sur le Mourre de Sève et co-dirigé par Pascal Marrou, du Service régional de l'archéologie, et par Maeva Serieys, du Service départemental d'archéologie de Vaucluse.

Afin d'affiner la compréhension du site, une vingtaine de chercheurs s'emploie à reprendre et analyser les précieuses données laissées à disposition. Rien de tout cela ne serait possible sans Charlette Arcelin-Pradelle, son sens de la transmission et sa méthodologie avant-gardiste.