Préface

Il y a 40 ans, le Département de Vaucluse fut l’un des premiers en France à se doter d’un Service d’archéologie, sans que rien ne l’y oblige. Encouragé par le conservateur Sylvain Gagnière, ce choix n’a jamais été remis en cause.

Depuis le père André Valladier, l’évêque Joseph Marie Suarez et Sebastiano Fantoni Castrucci au XVIIe siècle, relayés à l’époque des Lumières par le collectionneur Claude Esprit Calvet, jusqu’au chanoine Joseph Sautel, initiateur des fouilles dans la ville antique de Vaison-la-Romaine au début du XXe siècle, le Vaucluse est traditionnellement un terrain fécond pour la recherche historique.

Son extraordinaire richesse archéologique n’y est évidemment pas pour rien. Déjà largement occupé au Néolithique (la Société préhistorique française y fut d’ailleurs fondée en 1903), unique département de France à compter six chefs-lieux de cités gallo-romaines, siège de la papauté tout au long du XIVe siècle, le Vaucluse brille d’une lumière ininterrompue depuis des siècles.

Cet ouvrage-anniversaire est un voyage fascinant à travers le temps et vous invite à survoler différentes périodes marquantes. Il est aussi un hommage, amplement mérité, au travail mené par les équipes du Service départemental d’archéologie. Le propos est destiné à tous. Il apportera à l’amateur, à l’étudiant, à toute personne que l’archéologie intéresse, un récit vrai nourri par40 ans de travaux scientifiques.

Le dévouement et la passion des archéologues et chercheurs ont en effet permis de reconstruire des pans entiers de notre histoire. Leurs fouilles successives dans les couches de sol les plus anciennes nous offrent une relecture de ses pages les plus glorieuses mais nous instruisent aussi sur les modes de vie passés. Chaque artefact raconte une histoire unique et précieuse. Et chacune de leurs découvertes apporte une nouvelle pierre à une mémoire partagée.

Car l’archéologie n’éclaire pas seulement le passé, elle nous aide aussi à construire l’avenir. Une fois les fouilles terminées, le défi est double : il consiste à étudier puis préserver des vestiges mais aussi à apporter au plus grand nombre les connaissances patiemment acquises, qui enrichissent notre héritage commun.

C’est pourquoi, en 2025, s’ouvrira Memento, le grand Pôle des patrimoines de Vaucluse que le Département construit actuellement à Avignon. Il accueillera, au côté des Archives départementales, du Centre de conservation et d’étude de l’État et des Archives du Grand Avignon, les équipes et les réserves du Service départemental d’archéologie.

Grâce à Memento, toute la documentation scientifique et les mobiliers archéologiques collectés au long de quatre décennies d’une intense activité de fouilles et de recherches bénéficieront d’un écrin qui leur offrira des conditions optimales de conservation, d’étude et de valorisation, assurant ainsi leur transmission aux générations futures.

Les gestes que nous effectuons aujourd’hui sont des empreintes pour demain.

Cette œuvre collective en est une.

 

 

C'est avec grand plaisir que je m’associe à cette entreprise collégiale qui met à l’honneur le travail de l’équipe du Service archéologique du Conseil départemental de Vaucluse. Les élus de ce département ont été parmi les tous premiers en France à décider, sur proposition de l’État, la création d’un service archéologique, il y a maintenant une quarantaine d’années. Cet engagement n’a pas failli depuis, permettant au service d’être aujourd’hui habilité par le ministre de la Culture pour intervenir dans le champ de l’archéologie préventive. Pour ma part, depuis plus de deux décennies maintenant, je suis, pas à pas, le travail réalisé en laboratoire et sur le terrain par cette équipe enthousiaste et d’une grande compétence. En scrutant méticuleusement les entrailles de ce territoire ou en expertisant les élévations d’un bâti ancien, elle contribue à l’écriture de l’histoire en révélant des pages inédites ou encore mal connues. Les thèmes retenus pour cet ouvrage richement illustré s’inscrivent comme des étendards parmi ces avancées historiques et scientifiques. Dans le même temps, l’équipe a su construire de solides partenariats scientifiques avec les institutions universitaires, le CNRS, l’INRAP et maintenir un lien indispensable avec le tissu associatif et les archéologues bénévoles. Cette dernière démarche est essentielle pour rappeler que, si aujourd’hui l’archéologie est un métier, cela ne signifie pas qu’il est interdit aux amateurs de participer aux recherches et de contribuer ainsi à la sauvegarde et à la connaissance du patrimoine. Ce livre illustre parfaitement que la mission de l’archéologue ne peut et ne doit pas se cantonner aux frontières du monde savant. Il est de sa pleine responsabilité de restituer au public le viatique des nouvelles connaissances mises au jour dans la terre ou après avoir ôté le vieux crépis d’un mur. C’est avec ces actions de médiation que se termine en réalité le travail de l’archéologue et pas avant. En partageant cette richesse retrouvée à l’occasion des journées portes ouvertes sur les chantiers de fouilles, des journées européennes de l’archéologie, celles du patrimoine, de la semaine de la science, lors des journées archéologiques départementales, de la présentation d’une exposition ou d’un livre, les archéologues redonnent à la population ce qui lui appartient, sa mémoire, son héritage. Ces éléments du puzzle historique révélés constituent le ciment de notre identité collective. Ils doivent servir au savoir vivre ensemble, nous aider à construire le présent et à penser à l’avenir qui sera pour les générations suivantes leur passé. Partager cette somme de connaissances pour rappeler que le patrimoine archéologique est un bien unique, fragile et irremplaçable, c’est également une opportunité qui nous est offerte pour alerter sur la nécessité de sa protection en un temps où, malgré le renforcement des lois en faveur de la préservation du patrimoine, on fait le constat qu’il est mis en péril, ici où là, par des actions de pillage. Pour les archéologues, les artefacts mis au jour portent tous le vocable de «  trésor  » même s’ils sont sous la forme d’un éclat de silex, un fragment de vase, une esquille d’os, une graine carbonisée, etc... Ces «  petits riens  », mis bout à bout, contribuent à l’écriture de la vie quotidienne, d’histoires individuelles, celles des territoires et des paysages. Ils sont le ferment de notre histoire collective. Xavier DELESTRE Conservateur général du patrimoine Conservateur régional de l’archéologie de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Tout au long de ces années, grâce à une parfaite synergie entre les services de l’État et les élus, il a été possible de réaliser, en ville et en milieu rural, de très nombreuses opérations de prospections et de fouilles permettant la sauvegarde par l’étude des «  archives du sol  ». J’adresse à nouveau mes félicitations à l’équipe archéologique départementale et tous mes vœux pour les années à venir qui s’annoncent riches en projets avec en particulier la construction de Memento, qui abritera à Avignon, outre les archives, le centre de conservation et d’étude archéologique départemental et le service archéologique lui-même. Avant de conclure, je voudrais citer ici le grand historien de l’antiquité vauclusien, Paul Veyne qui nous a quitté il y a quelques mois. Dans son ouvrage paru en 2014 sous le titre «  Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas  », il évoquait parmi ses souvenirs une petite découverte archéologique à Cavaillon : «  Mon tesson était marqué par le temps et la disparition de toutes choses, à laquelle il avait échappé. Ce qui le distinguait des timbres-poste que collectionnait l’un de mes camarades et dont les livres ne daignaient jamais parler  ». En effet, derrière ces modestes témoins, c’est l’Histoire que l’archéologue restitue après une plongée parfois abyssale dans un temps du passé jusqu’alors totalement oublié.