Agriculture
Le houblon, une filière naissante
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De l’allée de la Ribelly, à Entraigues-sur-la-Sorgue, on distingue deux rangées de hauts mâts, reliés par des fils. Ce n’est pas un étendage à linge géant, mais une houblonnière. L’été, de grandes lianes s’élèvent et renferment les fameux cônes de houblon. Ils sont récoltés généralement entre le 15 août et le 15 septembre. Ils sont ensuite mis sous vide tels quels ou le plus souvent sous forme de pellets, prêts à l’emploi. Car le houblon est avec le malt, l’eau et la levure un ingrédient essentiel pour fabriquer la bière. Selon le moment où il est incorporé dans la préparation, il va libérer plus ou moins d’amertume ou d’aromatique et dessiner le caractère de la boisson.
Depuis 2018, Valérie et Ghislain Sévenier ont intégré la culture du houblon à la ferme, jusqu’alors consacrée à l’élevage de poules pondeuses et à la production d’œufs. Le couple fait partie des premiers à s’être lancés dans le Vaucluse, grâce à l’accompagnement entre autres de Bières de Provence via les fonds européens agricoles (FEADER). Ghislain Sévenier utilise la totalité de sa récolte pour brasser sa bière, La Ribelly. « On a bénéficié avant d’une préparation technique et appris comment palisser, irriguer… Comment se passe la récolte, comment on aménage notre séchoir », retrace-t-il.
Une volonté de se fédérer
Les néo-houblonniers de Provence continuent d’être épaulés par Agribio 04, à travers un GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental), qui les aide à structurer une filière certifiée bio et locale. Force est de constater que plusieurs variétés de houblon, comme le Cascade et le Chinook, s’accommodent bien au climat du Midi, à condition de bien penser l’irrigation. D’ailleurs, cette plante pousse déjà à l’état sauvage à certains endroits.
Aujourd’hui, le Vaucluse compte une poignée de houblonniers produisant des volumes infimes au regard des exploitations des Etats-Unis, d’Allemagne ou dans une moindre mesure de la région française Grand Est. Mais ces passionnés espèrent que des graines qu’ils sèment aujourd’hui, éclora une belle dynamique demain. Plusieurs houblonniers mutualisent leur matériel. Certains espèrent voir émerger une coopérative, un peu comme sur le modèle viticole, pour réunir des volumes plus conséquents.
« On est à un moment charnière »
« Cela permettrait d’avoir un maintien des prix et d’être plus efficaces sur la commercialisation », estime Alexandre Bonias qui cultive depuis 2021, houblon et orge à la ferme familiale Le Cabanon du Papi, à Lagnes. Il crée entièrement, de la terre à la tireuse, sa bière. Mais le néo-agriculteur n’exclut pas d’augmenter sa production de houblon s’il trouve des débouchés de vente. Et le champ des possibles est ouvert alors que de plus en plus de brasseries artisanales aimeraient se fournir localement plutôt qu’avec du houblon importé d’autres régions voire de l’étranger.
Olivier Blarquez a quitté le Canada et son poste de professeur d’université pour rentrer sur les terres du Mas Courbet, à Carpentras. Il est devenu la 5e génération d’agriculteurs de sa famille et a planté sa première parcelle de houblon entre 2021 et 2022. Il en récolte autour de 170 kg par an et vend 95% aux brasseurs locaux. « Il faut arriver à un volume suffisant pour vendre à de grosses brasseries et proposer des quantités assez stables d’année en année. On arrive à un moment charnière où on maîtrise la culture, on arrive à avoir de bons rendements ». Il s’est même équipé d’une machine séparant mécaniquement les cônes de houblon des lianes, afin de gagner un temps précieux. Peut-être que d’autres parcelles vauclusiennes vont s’ouvrir à cette culture encore confidentielle dans les années à venir.