Agriculture

Le poivron carré de Lagnes reprend racine peu à peu

Très confidentiel mais apprécié par les palais connaisseurs, le poivron carré de Lagnes entre en période de récolte d’août à octobre. Cette variété tardive, bien implantée localement quelques décennies en arrière, a failli disparaître. Elle a survécu grâce à une poignée de passionnés.

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Il y a des choses qui se « tricotent » au fil des années, comme aime le répéter Dominique Florent. Agriculteur respectueux de la terre, par ailleurs, gérant de l’aire naturelle de camping La Folie, à Lagnes, le Vauclusien a contribué à relancer un fruit presque disparu : le poivron carré de Lagnes. Cette variété a la particularité d’être plus grosse que les autres, atteignant environ 18 centimètres de long et un poids de 400 grammes. Très cultivée dans ces ares du sud Vaucluse entre les années cinquante et soixante, elle a été supplantée par des hydrides plus résistants. Au point de disparaître des champs. « Dans les années quatre-vingt-dix, je cherchais des variétés. D’anciens producteurs ont retrouvé des graines dans leur grenier et me les ont données », retrace Dominique Florent. Pendant quelques années, il laisse de côté son projet puis parvient à les faire germer.

Aujourd’hui, il est le « mainteneur » officiel de la variété. Mais avant de reprendre un peu de ses couleurs, ce poivron est passé par bien des étapes. Notamment en 2010 : « Georges de Valence, à l’époque conseiller municipal, a réussi à mobiliser la mairie de Lagnes, le Parc Naturel Régional du Luberon et d’anciens agriculteurs pour faire renaître ce beau produit », explique Véronique Milési, adjointe de la commune. 

Avec le concours de l’INRAE, plusieurs essais ont été menés pour se rapprocher au plus près des critères du carré de Lagnes du siècle dernier. Après une compilation des données et une sélection méticuleuse, « l’heureux élu a enfin été nommé. Lagnes a retrouvé son poivron, avec ses caractéristiques originelles : goût, forme, couleur, rusticité, vigueur, hauteur de plante… ». Il a ensuite été inscrit au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. Depuis, Dominique Florent et une poignée de passionnés tentent de réhabiliter et de faire connaître ce produit rouge flamboyant à maturité, à la chair flamboyante, épaisse et sucrée.

Un poivron savoureux mais capricieux

Vous aurez peut-être la chance d’en trouver sur les étals des marchés de Coustellet ou de Petit-Palais le week-end. Quand la récolte est assez abondante, Dominique Florent en fournit également à Métro et aux belles tables vauclusiennes. Mais le carré de Lagnes se fait très rare en cette année 2024, où les déconvenues se sont succédé. « C’est une plante fragile au niveau de ses racines, tardive, et qui craint davantage le soleil que les autres ». Aussi sensible aux excès d’humidité, cette variété tombe facilement en proie des maladies comme la nécrose apicale ou la phytophthora. Dominique Florent espère que la saison prochaine sera meilleure et cherche encore la méthode la plus efficiente pour pérenniser la culture de ce poivron capricieux mais si savoureux. L’objectif serait d’arriver à le faire pousser en plein champ, avec un système de toile. 

Cru ou cuit, pour tous les goûts
« Le carré de Lagnes est au poivron ce que la Cœur de bœuf est à la tomate », résume Dominique Florent. Il peut se déguster cru en petites quantités ou en filet, comme une pièce de viande cuite au four, ou encore en poivronnade. En raison des dimensions imposantes des fruits, les plantes nécessitent un tuteurage et donc davantage de main d’œuvre. « Quand on coupe le poivron en section transversale sa forme est carrée, d’où son nom », décrit Véronique Milési, adjointe de la ville de Lagnes. Chaque année, en mai, la municipalité distribue des plants (issus de graines certifiées) aux jardiniers du village.